A une passante


La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le
feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un
extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! – Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard !
jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

Tableaux Parisiens, XCIII

charles Baudelaire, Les Fleurs du mal.


A Selma

1 ripostes trèès percutantes:

melek 12 février 2008 à 10:12  

très belle ode à l'amour
pour un être très cher
comme je l'ai dit auparavant,
l'impuissance des mots se heurtent à la force des sentiments...
surtout quand il s'agit de parler de l'être qui nous est le plus cher.....

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