
Hier, tu disais ta rage
Tu criais ton chagrin aux quatre vents
Tu couchais ton impuissance sur le papier
Tu n’avais que l’amertume pour unique compagne
Tu déversais tes illusions à chaque pas
Tu rongeais ton frein en attendant que les remous stériles arrêtent de t’empoisonner la vie
Tu te débattais dans un inextricable piège à rat, infect et puant
Tu errais dans un dédale sans fin, brûlant, suffocant
Edifice branlant comme tout le reste
Le cœur en miette, les yeux secs,
Les poings serrés et la rage au ventre
La langue bridée, la parole brimée
La peur de la putréfaction, de la laideur
Et du néant dans lequel tu t’engluais
Tu errais, la tête baissée, le corps rompu
L’esprit engourdi, aliéné
Comme ton pauvre cerveau lavé, remâché,
Recraché, haï, honni, foulé aux pieds,
Cent fois maudit
Tu étais sourd, aveugle, muet, muet, muet, muet
Tu n’entendais rien, tu ne voyais pas grand-chose
Tu ne respirais presque plus
Ton cœur menaçait de te lâcher au beau milieu du chemin
Te laissant orphelin, débile, avili, souillé et rongé jusqu’au bout
Aujourd’hui,
Tu relèves la tête
Et tes yeux se mouillent, convulsent, se laissent pénétrer par la lumière aveuglante
Tes larmes sublimées coulent, long fleuve aux torrents purifiés
Tes mains s’ouvrent
Ton front s’illumine
Ton cœur se gonfle d’espoir
Tu respires,
Ton fardeau te semble plus léger à porter
Tu le déposes
Tu te redresse, égaré et encore affaibli par ta captivité
Tu romps ton linceul qui te momifiait
Un miracle se fait
Un sourire béat et idiot se dessine sur tes lèvres desséchées
Ton sourire perdure, se dédouble, se répercute
Explose, éclate à la face des passants ahuris
Tu mues, tu mues, tu mues, tu mues
A l’infini
Ta peau craquelée se détache par lambeaux et
Tu la parsème aux quatre vents
Au soleil qui t’aveugle
Et ton souffle vicié, rejeté naissant, balbutiant
A tes lettres, à tes mots assemblés comme par un effort monstrueux
Et inhumain
Tu te délivres et tu te livres
Ton sang gicle dans tes oreilles, bouillonne et menace de se déverser
Tu fermes les yeux et tu te permets de rire
Parce que tu es vivant
Parce que tu es libre
Parce que tu n’es pas muet
Parce que ton cœur bat
Parce que tu as mis le mot fin à ton adolescence attardée
Parce que tu as libéré ton jumeau,
Ton eternel ennemi
Ton faux frère
La noirceur de tes rêves englués, ratatinés
Et pourris
Parce que tu as préféré remarcher de nouveau
Et te relever
Parce que tu as compris
Tu as arrêté de simuler
Et que tu as appris à marcher
Parce que aujourd’hui
Tu es seul face à toi même
Tu peux écrire
Ecrire à en mourir
Aimer à en vivre
Ta page
Tes pages
Des pans de ton histoire personnelle
Unique, mythique, lyrique et universelle
Tu peux écrire
Je t’en ramènerai des pages blanches
Que tu noirciras de tes mots
De tes maux, de ton sang
Parce qu’aujourd’hui, tu peux danser
Danser jusqu’à la pamoison
A perdre le nord, le sud et la raison
Danse, danse
Ecris, ris, oublie à la seconde
Tu ES aujourd’hui et demain
Danse ta sarabande
N’en rougis pas
Cries, la face barrée de ton sourire idiot
Débraillé, excité et la langue pendue
Les cheveux en bataille
Mais le cœur, à présent, repu
Aimer à en vivre
Aujourd’hui, tu PEUX.
MERCI.