Et des femmes violentes retenaient leurs voix et avalaient leur salive
Musquée,
Pour ne pas transmettre aux bêtes et à l’eau
L’effervescence des corps tendus vers l’autre rive.
Nubiles,
A peine sorties de l’enfance,
S’exerçant à dompter l’intonation secrète,
Palpant furieusement une promesse de sein,
Serrant l’étau des cuisses sur un parfum de discorde.
Or,
On avait interdit aux messagères du futur de vivre la folie du Seuil,
Cloîtrées, en de sûrs palanquins à la sangle fidèle,
La sagesse des plus avertis avait même conseillé de voiler les plus belles et de souiller leur teint de cendre et de suie,
Il y aurait entre l’eau désireuse et la femme plus d’une nuit.
Prises de vertige d’être ainsi livrées comme proie consacrées à la volonté du fleuve dont elles devinaient le souffle tendu à l’halètement des bêtes effarouchées,
Vaticinant !
Femmes !
Qui montent au ciel en d’étranges syllabes où murmurent les longues nuits d’hiver,
Découpent la lune au fond de leurs soupirs,
Et mâchent avec soin d’exotiques complaintes,
Pour la terre qui fume,
Qui attend.
Femmes,
Prêtresses énigmatiques de la berge lointaine,
De l’étendue vorace happant la virile impatience,
De la durée énervée taraudant la mâle incomplétude,
Femmes tressées,
Dressées,
Ointes d’huiles secrètes
Et de silences profonds ;
Vous respirez pour que tourne la terre et gonfle la marée,
Vous chantez pour que naissent les enfants et dansent les adolescents de la tribu en humble hommage à vos vertus,
Pour que perdure le rêve,
Pour que l’homme à l’œil cerné de stérile stridence détourne ses épaules alourdies du présent qui sourit, pour que vive la vie.
Dans le silence de cette aube inaugurale le clapotis timide contre les flancs sonores des montures avaient le timbre et la gravité des voix souterraines dont rêvent les prophètes.
Mohammed Kameleddine Gaha, La route de l'or.
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