Avant de continuer mon récit, je tenais à m’arrêter sur ce qui m’a semblé être un point important ; avant que je ne parte et même après mon retour, partout je n’ai pas cessé d’entendre les gens me dire combien ils aimeraient aller en Syrie mais qu’ils craignaient pour leur sécurité. Je ne me suis jamais autant sentie en sécurité qu’à Damas même très tard la nuit (c’est même mieux qu’à Tunis, c'est tout dire !), que le post précédant ne vous trompe pas. Ce premier souvenir a été escamoté par tant d’autres plus heureux.
C’est l’effet « positif » (si je puis dire) d’un état tel que la Syrie, la sécurité est à son maximum et cela se ressent partout, d’une manière subtile et invisible même parfois. On a continué jusqu'à Alep (à quelque 300 kms près de Damas) en bus de nuit et pas un souci en route.
Je suis sincèrement navrée de ne pouvoir partager mes vidéos avec vous pour des raisons techniques toutes bêtes mais je le ferai dès que possible, les photos ne pouvant tout le temps suffire.
Damas, la plus ancienne ville habitée sans discontinu du monde, (titre que revendique aussi Alep), deux millions d’habitants, quatre si l’on y ajoute la périphérie, des monuments retraçant 2000 ans d’histoire.... quand je pense que je ne voulais pas y aller.
De cette ville mythique, j’avais en tête mes cours d’histoire, mes lectures de gamine et mes rêveries de l’ancienne capitale des Omeyyades, de son ère de gloire et de son pouvoir politique avant qu’elle ne perde son statut au profit de Bagdad et Cordoue.
Et ce n’est pas en quatre jours que l’on peut découvrir le charme d’une ville aussi séculaire que Damas.
J’ai fait du mieux que j’ai pu, couru de musée en vieilles maisons traditionnelles, de khans aux souks, de la magnifique mosquée des Omeyyades aux rues gigantesques de la ville moderne, essayé de parler aux gens, et j’ai raté beaucoup d’autres choses, dans un seul but : ressentir l’âme de la ville.
Je suis tombée sous le charme de trois choses entre autre ; la mosquée, le palais Azem de l’ancien gouverneur de Damas et cette ambiance de joyeux chaos dans les rues, les cafés et de la gentillesse incroyable de cette population qui vous accueille le sourire aux lèvres et le cœur sur la main.
De jour, la ville offre un autre profil au visiteur : vivante et bruyante avec ses affreux embouteillages ou on a l’impression de mourir dans la seconde qui suit à chaque fois que l’on traverse, ses échangeurs à ne plus finir, son fleuve Barada qui attend des jours meilleurs, ses immenses places publiques, ses bâtiments et immeubles fatigués et tellement vétustes que l’on craint qu’ils ne puissent résister plus longtemps à l’usure du temps, ses vieilles villas majestueuses datant du mandat français du siècle dernier reconverties en ministères, de l’effervescence de la rue noire de monde , des marchands ambulants, du grand tribunal dont la façade était mangée de banderoles criant au génocide palestinien par les avocats Damascènes, ou affluait une foule incroyable, de l’ancienne citadelle en ruine et de la grande statue de Salah eddine véritable héros national.
Juste devant, se trouve le vieux Damas (les gens me riait au nez quand je disais bled 3arbi ou vieille ville parce que pour eux y a pas de ville européenne et de médina 3ati9a). Enserré par de hauts murs contient de véritables bijoux cachés à l’abri du regard, les vieilles maisons traditionnelles, des khans, de vieux palais à tomber à la renverse, les souks de tout ordre (or, épices, soie etc etc) et le célèbre souk populaire el Hamidya qui rendrait toute future mariée tunisienne, sa maman et dar el farh elkol hyper heureux (je dirai même fi 9immet essa3ada). Il y a de tout mais alors là de tout, la majorité des produits étant syriens, des caftans, des tissus magnifiquement brodés, des robes de mariées à celles des invitées, des dessous féminins exposés et bien mis en évidence, des plus pudiques au plus coquins (je n’ai jamais vu autant de sous vêtements ainsi exposés de ma vie).
Il suffit de s’y promener pour avoir mal à la tête mais ces jours là, le souk se faisait militant, les banderoles anti Israël, USA fleurissaient partout et faisaient ombrage (pour la visiteuse que j’étais) aux articles bien achalandés.
Au bout de ce souk bruyant (c’est le cas de le dire), entre marchands de thé chaud et ambulants s’élève l’arc de Jupiter dont le temple a disparu ( à l’époque de la domination romaine) qui fait office de gardien de la mosquée.
La mosquée a fière allure au bout de ce souk et ouvre ses immenses portes, touristes et pèlerins s’agglutinent devant, soit pour remettre leurs chaussures ou se déchausser. Il faut faire la queue et il suffit de passer à l’intérieur pour comprendre ce qui incite tout le monde à vouloir y entrer, pèlerins à part. Sur sa façade principale, on avait accroché des banderoles clamant le soutien sans faille des Damascènes à Gaza.
Voici la totalité des photos prises (ici)
Construite en 705 après J.C par Al Walid ibn Abd El Malek, calife omeyyade sur ce qu’on qualifiait d’endroit le plus saint de la ville, qui accueilli avant la mosquée, le temple de Jupiter et l’église de Saint Jean-Baptiste
Une fois à l’intérieur, chaussures en main (pas le droit de les garder aux pieds même fel Sa7an quitte à attraper une bronchite, il faisait un bon 16 degré mais le marbre est d’un froid !), et l’œil émerveillé, je suis restée bouche bée.
Je n’avais pas eu cette sensation depuis longtemps, on a beau visiter des châteaux, palais et autres merveilles de l’art occidental, rien ne peut décrire le sentiment d’émerveillement, d’émotion à l’état pur qui me prend à la gorge à la vue de chaque monument arabo-musulman. Je n’y peux rien.
Ce qui touche, ce n’est pas la beauté majestueuse des lieux(le sa7n ayant les mêmes proportions que la salle de prière) ni les magnifiques reconstructions des fresques en feuille d’or murales qui laissent songeur (reconstruction parce que l’édifice a subi un tremblement de terre et un incendie ravageant les fresques), ni l’immensité du sa7n, et encore moins les vitraux à l’intérieur de la salle de prière ou s’étalent le nom de dieu et du prophète (oui des vitraux !), ni les plafonds ouvragés qui m’ont donné des torticolis, ni les fonds de baptême au beau milieu de la salle de prière, et encore moins le mausolée du prophète Yahia, alias Saint Jean-Baptiste à qui on a coupé la tête.
C’est la sérénité des lieux, la paix intérieure que l’on ressent au fur et à mesure que l’on avance, la certitude d’être en sécurité, en liberté (oui oui), à la vue de tous ces gens venus non pas uniquement prier mais pour se reposer, manger, les enfants jouer, parler dans la maison de Dieu loin des bruits de la ville (dont comme par hasard on n’entendait plus rien)
Les mères s’asseyaient à presque le marbre du sa7n pour parler à la voisine pendant que les gosses couraient dans tous le sens en jouant à cache-cache , bousculant le pèlerin des pays du golfe venu faire ses ablutions, un damascène fatigué vint se coucher au pied d’une colonne et fit de ses chaussures un oreiller de fortune, les autres plus loin mangeaient, un couple trainaient une valise derrière eux.
Eberluée, je continue mon chemin vers la salle gigantesque prière quand d’une porte à côté sortit un homme pleurant toutes les larmes de son corps, j’y vais et je découvre le mausolée d’El Houssein fils d’Ali mort à Karbala dont on a enterré la tête ici aussi. L’endroit sent fortement l’ambre et croule de pèlerins venus se recueillir devant l’espèce de tombeau protégé par un grillage en fer. Ces chiites introduisaient leur têtes dans une niche en argent et faisaient de drôles de signes et séchaient leurs larmes, j’avais l’impression d’être une intruse venue déranger des personnes dans leur rite sur le coup. On était à la veille de la Achoura.
La salle de prière est toute en longueur, dépouillée, pas de dorures, ni de cristal, ni de tapis coutant les yeux de la tête, dégageant un air de sérénité paisible.
Il n’y point de barrière, pas de rideaux entre fidèles. Seule une simple chaine en métal sépare l’espace de prière, l’un pour les hommes, l’autre pour les femmes.
Un homme asiatique venu en pèlerinage vu sa vêture, trainait son jeune fils pour lui montrer le mihrab délicatement ouvragé, deux journalistes filmaient l’intérieur de la salle, un groupuscule de fidèles sont venus se recueillir sur le tombeau de Yahia, de l’autre côté à même la moquette un cercle de femmes discutant, une dame plus loin priait, un autre lisait son coran, les autres prenaient des photos et quelques touristes émerveillés scrutaient le plafond en chuchotant.
Ce n’est pas uniquement un lieu dédié au culte, c’est un lieu de vie, toujours ouvert de jour comme de nuit pour le fidèle, le pèlerin, le visiteur et celui qui vient y chercher refuge.
Et j'ai tout de suite pensé à mon chez moi et me suis demandée pourquoi s’évertue-t-on en Tunisie à ne rien faire comme tout le monde ? (question qui n’attend pas de réponse)
J’appris plus tard qu’à la conquête de Damas par les musulmans en 635 et avant que la mosquée ne soit construite, les musulmans et les chrétiens se seraient partagé le lieu pour prier. Et quand Al Walid construit la mosquée, il fit construire une église plus loin pour les chrétiens pour les dédommager.
En ces temps plus que troubles, ou la haine est devenue le credo général, ce fut l’un des rares moments qui redonne encore envie d’espérer.
A suivre....
4 ripostes trèès percutantes:
merci pour la visite vertuelle ::jarrete pas dimaginer !!
Oui, ça donne envie de marcher sur tes traces. Merci :)
si je comprends bien cousine tu as mis les pieds dans une mosquée!!!
tu as interet a ne plus m'adresser la parole!je ne friquotes pas avec les enturbanné(e)s.
treve de plaisanteries: ce monument (la mosquée omeyyade)est superbe!
l'architecture malekite au maghreb est minimaliste,rigide,rigoriste et parfois froide.
en orient (et specialement en iran et en turquie) ces monuments,une fois eludee leur fonction ideologique, sont tres beaux à voir.
j'espere que les syriens ne t'ont pas bourré le mou avec les bondieuseries!
Très très belles photos!!
Merci de partager.
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