Splendeurs et misères d'un dictateur




Une discussion avec un ami, autour d’une série, a ressuscité un mort, et tout un pan de l’histoire d’un pays, un pan de mon enfance, un tas de désillusion, un paquet d’amertume et même de sensations assez ambigües auxquelles je ne voulais plus prêter attention depuis 2003.

House of Saddam est un feuilleton de 4 épisodes anglais qui passe sur la BBC two depuis le 30 Juillet en co-production de la BBC et de la chaine américaine HBO, ici.

La mini série retrace, selon ses auteurs, les années de gloire et la chute de l’ancien président de l’Irak en 4 épisodes-dates, 1979, 1988, 1995 post guerre du golfe et la dernière partie qui passera le 20 Aout à l’antenne, alliant scènes privées (anniversaires, mariages, réunion etc) et vie politique de l’ancien président (y a qu’à se rappeler les docs sur arte).

Les commentaires de la critique anglaise sont disponibles ici .

La série a été tournée en Tunisie en 2007, les auteurs invoquant la ressemblance de certains décors Tunisiens avec ceux de l’Irak, certains hôtels des années 80 de Tunis, l’hôtel de ville de Tunis et le palai sdel Kram (??) auraient été utilisés comme décors pour le palais présidentiel, le bureau du président etc. Le sud Tunisien a servi de décors pour les plans extérieurs.

Le casting est international, Saddam est interprété par un acteur Israélien d’origine irakienne, Yigal Naor (je ne vois pas trop la ressemblance, moustache à part sur les photos), Said Taghmaoui (La Haine, Ali Zaoua) joue le rôle de Barzan Ibrahim, Tarik Aziz est joué par un acteur Israélo-palestien Makram Khoury, une actrice anglaise assez célèbre en Angleterre jouant le rôle de la maitresse de Saddam, Mounir Margoum en Qussay et Phillipe Arditti en Uday (il a intérêt à être ressemblant celui-là !). Il est à noter que Hichem Rostom et Mohamed Ali Nahdi ont fait une apparition dans la série.

L’acteur principal,Yigal Noar, raconte les recherches effectuées sur l’homme privé et l’homme public pour être au plus près du personnage et la vie sur les plateaux en Tunisie, et l’étrange comportement des Tunisiens à son égard, ici.

La série débute sur l’image de la famille Houssein regardant l’annonce de Bush en 2003 de l’invasion de l’Irak pour mette fin au régime Irakien et la panique générale à la chute de Bagdad et la fuite de la famille du palais présidentielle.

La bande annonce, disponible sur youtube, est affligeante, la musique me rappelle un vieux film de mafia italienne et le visage des personnes présentes dégouline de sang comme pour expliquer la noirceur de leur âme, jolie métaphore (sic).

Huit minutes du premier épisode sont aussi disponibles.

A ma question stupide du pourquoi d’un film sur l’ancien président (comme si les documentaires sur toutes les chaines du monde n’ont pas suffi à essayer de nous « expliquer » la nature de la personnalité fort complexe du personnage), Alex Holmes, l’un des auteurs, explique l’intérêt d’une telle série sur Saddam, comme il dit «present a character study of a dictator : une personnalité charismatique, avec une opinion bien spécifique de ce que devrait être son pays et qui le mena à sa ruine, ici.

Certaines implications et aides au régime de Saddam américaines, surtout dans le cas de la guerre contre l’Iran, sont passés sous silence (re-sic) mais ni Alex Holmes, ni Yigal Noar (Saddam) ne sont pour l’invasion américaine en Irak et les deux ont essayé de ne pas faire de Saddam une caricature mais de montrer ses peurs, ses faiblesses, ici.

Qui a dit qu’on avait, encore, besoin d’une leçon d’histoire ?

Etant loin d’être objective et ayant déjà pas mal d’aprioris sans pour autant être une pro Saddam, reste à pouvoir regarder en entier pour en juger; en souhaitant qu'un jour les Irakiens puissent en parler eux-même.

Quant à savoir pourquoi tout ceci me rend un peu triste, je n'en sais rien ou ne préfère pas savoir.

5 ripostes trèès percutantes:

Bechir 20 août 2008 à 22:43  

Moi aussi, je suis de très près cette série. J'en ai parlé il y a quelques temps et il y a eu une discussion intéressante avec Tarek sur quelques aspects...

http://terminux.blogspot.com/2008/08/house-of-saddam.html

Personnellement, je trouve que la série vaut le fait d'être regardée (les 2 premiers épisode du moins, car je n'ai pas encore eu le temps de regarder le 3eme). Il y a quelques erreurs mais elle ne sont pas fatales. J'essaierai d'en parler après avoir tout regardé.

Tu peux télécharger les épisodes avec Bittorrent si tu veux:

http://tvrss.net/search/index.php?distribution_group=combined&show_name=House+Of+Saddam&filename=&date=&quality=&release_group=&mode=rss

C'est un flux RSS et il t'indiquera quand le dernier épisode sera mis.

Mariouma 20 août 2008 à 22:57  

@bechir
merci pour les liens
ça va m'aider à me faire une meilleure idée pour pouvoir mieux en parler.
je n'ai pas dit qu'il faut la jeter à la poubelle mais j'ai un peu de mal avec cette idée de vouloir retracer l'époque Sadam comme pour nous rendre moins ignorants et comme dit tarek (j'ai été sur ton blog), cette série s'adresse à qui? je me pose bien la question. :)

le sujet a juste réveillé de droles de sensations qui n'a rien à avoir avec mon "admiration" pour sadam (loin de là, heureusement que je n'ai plus 10 ans) mais je ne sais comment expliquer ce qui m'a dérangé dans le fait que ce soit encore des étrangers qui en parlent.
het enwasslou essere9 el beb eddar :)

Tarek طارق 21 août 2008 à 02:27  

حتى أنا مازتش تفرجت أما مش على خاطر قررت بش ما نتفرجش... تلهيت بحاجات أخرى و سهيت عليه... أما توة بش نحاول نكمل نتفرج فيه...

باهي حبيت فقط نركز على المقال إلي أشرتلو مريم... متاع الكاتب إلي يقول أن هذيا بما معناه مسلسل يركز على صدام من ناحية أنو "دكتاتور"... و هذاية كافي بش نفهمو مسألة النظرة الاستشراقية إلي تحدثت عليها في التعليق على تدوينة بشير...

طبعا مانيش بش ننفي أنو من سمات حكم صدام أنو كان دكتاتوري بمعنى أنو هيكليا كان ضد مشاركة أي طرف سياسي في الحكم بخلاف البعث و تحديدا بخلاف مجموعتو الخاصة داخل البعث...

لكن اختزال صدام في أنو مجرد "دكتاتور" هوتعبير على النظرة التبسيطية في تحليل الأنظمة ذات الاستجاه القومي إلي كانت مهيمنة على المشهد العربي لأغلب نصف القرن العشرين...

دكتاترويتها ماكنتش طابعها الوحيد... و اختزالها في الدكتاتورية يتجاهل أسباب صعودها و عمقها الشعبي في مراحل معينة إلي خلاها تتواصل و تقعد... و بالمعنى هذاية مقاربة من النوع هذا ماهياش علمية منهجيا... فمة دراسات جديدة تعملت على الفترة الناصرية نقدت المقاربات من النوع هذا... و أكدت على تحليل أعمق للظواهر هذية

اختزال صدام و شخصيتو في أنو مجرد "دكتاتور" قراءة فيها تأثر كبير باللغة الاعلامية السائدة في مجال غربي كبير... على كل سنواصل النقاش

Roumi 21 août 2008 à 10:34  

@mariouma : hello. Bon je ne suis pas prêt de regarder cette série ; je ne pense pas que cela ait un grand intérêt d'autant que, en tant qu'historien, j'ai toujours l'idée qu'on doit prendre son temps pour essayer de donner une vision convenable du passé proche. Il faut le temps de tout digérer, se pencher sur les archives et tout ce que l'on peut. Voilà quand je serai vieux, je commencerai à prendre connaissance des travaux historiques consacrés à Saddam ! Pour l'instant, il ne doit pas y avoir encore grand chose de consistant à ce propos, sauf peut être pour les débuts de son "règne" qui remonte déjà à pas mal de temps. Ce n'est en tout cas certainement pas le moment pour écrire l'histoire intégrale du dictateur Saddam Hussein et encore moins le moment pour en faire un film... mais bon que les scénaristes, journalistes et tout un tas de gens sont toujours prompts à agir ; ils ne raisonnent pas dans la même optique et la même dimension que l'historien, c'est un fait.

En tout cas cela m'amuse un peu de penser que des gens d'aujourd'hui, qui n'ont forcément aucun recul, moi le premier d'ailleurs, sur les événements récents pourraient dire que le traitement d'un film de ce type serait objectif, pas objectif, plutôt objectif, ... nous sommes tous myopes pour ce qui est du présent ou du passé proche. Ce n'est pas à nous d'écrire l'histoire d'hier... écrivons plutôt celle d'avant hier, c'est déjà suffisamment complexe comme cela. Enfin évidemment chacun fait ce qu'il veut en définitive mais ayons la lucidité de reconnaître que nos sujets sur tout ce qui nous touche de relativement proche sont quelque peu altérés.

Maintenant je ne vois pas trop le problème à ce que des étrangers parlent de l'histoire des autres. Le problème n'est pas là. Le problème c'est de savoir comment on parle de l'histoire. Si la qualité est là, c'est l'essentiel. En outre, il vaut parfois mieux une histoire écrite à distance qu'une histoire écrite le nez dedans... Le recul n'est pas forcément une tare. Il y a des gens un peu éloignés mais qui ont su se rapprocher par certains aspects et qui donc ont certaines compétences pour parler de choses dont ils ne sont pas proches à la base. Cela s'appelle l'apprentissage ; cela s'appelle aussi l'application d'une méthode scientifique, ... bien évidemment je parle là de la théorie et dans la pratique, pour ce film précis, vu qu'il y a une sorte de précipitation à vouloir traiter ce sujet, je pense qu'il est forcément entaché de ce point de vue. Mais cela n'empêche... même s'il pêche par sa précipitation, il n'a pas forcément plus de défaut parce qu'il est l'oeuvre de non-irakien que s'il était l'oeuvre d'autres.

Il faut ajouter une autre remarque ; l'histoire est souvent écrite en premier par des personnes distantes justement. Par exemple le premier grand historien de Rome connu est un grec : Polybe. Les gens concernés sont rarement les premiers à se soucier de leur propre histoire ; on néglige souvent sa propre histoire, surtout celle qui est proche, car on vit dedans, dans un univers qui nous semble en définitive des plus banals et dont on peine plus facilement à percevoir la singularité et l'intérêt. C'est un phénomène généralisé ; il n'y a qu'à voir comme partout on a détruit au fil des siècles des pans entiers du patrimoine commun, sans saisir l'intérêt de ces vestiges. Même s'il y a des frémissements positifs dans ce domaine, cet état d'esprit reste profondément ancré en nous tous, globalement et même s'il y a d'heureuses exceptions. De plus, on a plus souvent du mal à se hâter d'écrire son histoire proche personnelle, surtout si elle est complexe, surtout si des raisons idéologiques freinent certains élans. Chaque pays peine à écrire les pages les plus douloureuses de son histoire notamment et c'est aux étrangers alors d'initier un mouvement qui doit logiquement s'étendre ensuite et toucher notamment ceux qui sont plus directement concernés. Ce rôle de catalyseur est tout à fait heureux dans l'absolu... mais évidemment mieux vaudrait qu'il soit l'oeuvre d'une démarche historique que d'un téléfilm. De toute façon l'histoire n'est pas UNE : il n'y a pas de vérité historique mais plutôt une approche de la réalité par petites touches successives et conjointes. L'addition de points de vue, leur confrontation, leur conciliation, tout cela permet d'avancer dans la connaissance. Voilà donc un point de vue extérieur est toujours précieux... et il ne tient qu'aux principaux concernés d'ajouter leur contribution pour que les choses se précisent davantage. Maintenant encore une fois, c'est pas forcément un film qui contribue le mieux à ce mouvement. En même temps, certaines oeuvres de ce type peuvent parfois susciter un mouvement d'intérêt qui se traduit notamment par un regain de recherches scientifiques. Donc bon prenons ce qui vient... mais en le prenant pour ce que c'est, une oeuvre qui n'a pas en fait d'obligation en terme d'éthique, en terme d'objectivité. Donc le résultat est forcément sans garantie initiale. Je me rappelle par exemple du film américain Les Sentiers de la gloire : il parlait d'un douloureux épisode de la première guerre mondiale où un certain nombre de soldats avaient été fusillés pour l'exemple au cours de mutineries. Le film donnait l'impression d'une hécatombe ; en outre il était fortement imprégné d'un regard américain, multipliant les imprécisions. Il était donc dans une optique qui donnait une image déformée, disons amplifiée de l'événement ; c'était problématique à plus d'un titre. En même temps, ce film était certainement celui qui a mis en avant, notamment aux yeux des Français, cet épisode méconnu et il a donc eu un grand intérêt de ce point de vue. Voilà donc tout ce qui existe présente une forme d'intérêt, y compris à la rigueur si c'est médiocre, inexact, incomplet, ... cela fait réagir et cette réaction laisse espérer une forme de progrès dans la vision que l'on peut avoir d'un événement historique.

Unknown 2 septembre 2008 à 00:33  

J'ai regardé la série en entier et franchement j'ai beaucoup aimé. Peut être parce que je me suis débarrassé de tous les à priori que peut avoir n'importe quel arabe vis-à-vis de certaines questions sensibles (Irak, Palestine).
J'ai aimé cette série pour la simple raison que je ne l'ai pas du tout considéré en tant que leçon d'histoire. Car, qui a besoin d'une telle série pour apprendre l'histoire?
à mon avis, la série tente tout simplement de donner un profil psychologique, de retracer les différentes facettes d'un dictateur sanguinaire: un président éclairé, laïque et ambitieux, mais aussi égo égocentrique et surtout paranoïaque. En aucun moment, on n'a entendu Saddem dans la série dire du mal de son peuple, au contraire, il affichait à plusieurs reprises ses ambitions pour son peuple. La série a montré également la face humaine de Saddem, lors de ses discussions intimes avec un enfant sur les bords du Dejla, quand il prépare à manger,etc...
Mais la série montre également le côté parano du dictateur, sa folie, ses incongruités, qui l'aveuglaient politiquement, et lui font faire des erreurs monumentales dont son peuple payait le prix cash.
Car le drame de l'Irak peut s'expliquer, entre autres, à travers cette lecture (je précise bien lecture, car on ne saura jamais comment ça s'est passé en réalité) : l'Irak est passé en l'espace de deux décades, d'une situation de prospérité rare dans le monde arabe à un isolement international qui a condamné tout un peuple à vivre affamé et ravagé par des maladies qu'on croyait disparues.
Contrairement à ce que tu pense Tarek, la série ne présente pas Saddem uniquement dans sa facette de dictateur, mais également en tant que victime d'un système clanique et familial, dans les bases ont été transmises et imposés par sa mère, ce qui a fait trés vite concentré le pouvoir au sein de la famille de Saddem.
Bref, pour moi, la série a réussi à donner des explications qu'on ne pouvait pas trouver dans les manuels de politique au drame irakien, à travers la personnalité emblématique, et carrément tragédique de l'ex président.
Bien évidemment, c'est malheureux que ce n'est pas nous qui faisons ce genre de trucs, mais depuis quand on le faisait, dois je vous rappeler que le meilleur documentaire sur l'indépendance de la Tunisie a été réalisé par un certain ... Frédéric Mittérand et produit par... le groupe France télévisions?

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