Un samedi soir sur la terre

Il s’obligea à sortir de chez lui. A force de se terrer dans sa chambre miteuse et minuscule, il allait finir par devenir fou. Il étouffait, un bol d’air frais lui ferait du bien.

Il remonte la rue H, le soleil venait de se coucher, le ciel était encore strié de belles couleurs du soir oscillant entre le rouge pourpre et le rose tendre.

Sa tête menaçait d’exploser…une brise fraîche se faisait sentir, la ville s’éveillait lentement et les lumières la paraient de mille feux.

La sensation d’étouffement s’accentuait…les rues grouillaient de monde…les gens, attablés au restaurant d’en-face faisaient un boucan d’enfer…sourires, rires et plaisanteries.

Un enfant courrait derrière un chien ténu…il humait l’air du soir goulument comme un asphyxié, essayait de respirer d’une manière normale pour ne pas céder au malaise.

Un couple d’amoureux le bouscule et le dépasse…il serre les dents, sa poitrine l’oppresse. Il passe devant la mairie de son quartier….il remarque des pétales de fleurs rouges sang que les passants piétinent par terre, éphémère souvenir des mariages qui ont du avoir lieu aujourd’hui…samedi, le jour des mariages à P. autour de la place de C, sa place préférée, une jolie jeune fille trempe ses jambes dans l’eau de la fontaine sous le regard amoureux de son homme…

Nos pires ennemis sont nos propres démons, ceux que nous portons en nous. Ce sont eux les plus difficiles à vaincre, les Goliath contre lesquels aucun David ne semble pouvoir s’acharner et réussir à les terrasser.

La lune a fait son apparition, elle est belle et ronde dans cette nuit sans nuages…il marche sans but, se laisse porter par le mouvement de la foule compacte autour de lui…une famille d’américains lui rentrent pratiquement dedans, absorbés qu’ils étaient par leur plan déployé…encore des touristes égarés dans cette bonne vielle ville…le malaise s’accentue, le sang lui bat les oreilles…il a du mal à respirer, à penser…il ne peut que marcher comme un automate, le corps n’est plus qu’une machine qui obéit encore à des gestes mécaniques et désordonnés…la foule le happe, l’aspire et il se laisse malmener au gré des mouvements , du flux humain…une femme éclate en rire à ses côtés lui vrillant les tympans…il regarde , hébété, le sourire, les regards, les gestes de tous ces inconnus qui communiquent entre eux…se sentir abominablement et irrémédiablement seul au milieu d’une foule…il réalise l’horreur de sa situation…il n’a aucune prise sur les événements et encore moins sur lui-même…il ne peut que subir.

Les cafés sont pris d’assaut, les voitures dévalent le grand boulevard en toute allure obligeant les piétons à s’agglutiner sur les trottoirs, formant des marées humaines dans laquelle il s’abrite….il a conscience de son mal mais est incapable d’y remédier…Les rues avoisinantes, piétonnes pour la plupart déversent leur lot de touristes affamés à la recherche d’une bonne table, de natifs excédés par toute cette foule, sortis se dégourdir les jambes.

Ses yeux restent secs et son cœur est en berne…son mal l’a reprit, d’une manière insidieuse, il s’est glissé lentement mais surement et comme d’habitude, il ressent cette sensation d’être englouti tout entier, de noyade imminente sans aucune bouée de sauvetage en vue…les élégantes sont de sortie ce soir, jolis décolletés, bijoux clinquants, parfums capiteux, jeux de jambes et regards plein de promesses… la soirée risque d’être chaude pour certains…c’est sa croix à porter, cette douleur si familière, devenue presque une âme sœur, chronique et saisonnière mais qui revient de plus en plus ces temps-ci.

Il traîne les pieds du côté de la Seine, l’air y est plus frais….l’eau luit à la surface et des petites vaguelettes se forment au passage des bateaux mouches. Les berges sont aussi noires de monde que les rues et les trottoirs. Il fait si bon….la brise apporte des effluves de parfums de la nuit, les rires des pique-niqueurs sur les quais, les notes de musique qui s’échappent des bateaux de passage…un air de tango, un restaurant flottant ou les dineurs dinent à la lueur des bougies…

Le couple à ses côtés s’amuse à se prendre en photo dans diverse positions, il leur envie leur bonheur et leur insouciance …il fait face à l’eau e regarde les gens évoluer de l’autre côté…la ville est bien réveillée…les monuments sont illuminés et la tour, dominant la ville, orgueilleuse, darde son faisceau lumineux…il est incapable du moindre mouvement et se ratatine sur lui-même en écoutant le brouhaha de la cité…une femme au regard trouble se place près de lui…il n’a aucune envie d’engager la discussion..il a du mal à se supporter, comment peut il supporter le babillage d’un tiers ?

Il finit par se lever et continue à errer pendant des heures dans la ville…Nell lui manque terriblement, elle a toujours été son garde fou, celle qui lui ouvre les bras quand il était au plus mal…ça ne sert à rien, elle est loin et rien ne la fera revenir….malgré les heures qui défilent péniblement dans sa tête, les rues ne désemplissent pas, la ville a l’air d’être en fête…

Il use ses fonds de semelle sur l’asphalte jusqu’à l’épuisement et traîne son âme en berne durant des heures…l’effort physique le fatigue et l’apaise, il a sommeil…il en est presque heureux, la fatigue est le meilleur des remèdes, s’abrutir et fatiguer le corps l’aide à calmer la douleur..Les drogues, l’alcool et tous les paradis artificiels se sont montrés inefficaces la ou la bonne vielle méthode de l’épuisement physique fonctionne le temps que la douleur sourde se ca

Retour chez lui…la chambre est encore une fournaise, il ouvre grand la fenêtre…les bruits du dehors montent jusqu’à lui… Il se sent apaisé et parvient à esquisser le premier sourire de la journée, le tumulte s’arrête progressivement dans sa tête…les fêtards ne semblent pas vouloir terminer la soirée et continuent leur raffut, des restaurants d’à côté, lui parvient une mélodie entraînante…bruits de verre brisé de quelques saoulards attardés dans les rues…une voiture s’arrête et les portes claquent

Il sourit encore une fois à son reflet dans le miroir, « joyeux anniversaire » dit-il à voix basse…il regarde le cadeau envoyé par sa mère sur la table et pense un instant à l’ouvrir. les bruits de la rue continuent à lui parvenir, il s’accoude à la fenêtre…la lune est majestueuse, elle projette une lumière laiteuse dans la chambre…il se sent rasséréné, le pire est derrière lui…le ciel lui semble immense et les étoiles plus brillantes que d’habitude…la nuit est belle et le silence prend le relais sur les bruits de la ville…

Il lève la tête vers le ciel et regarde la voûte céleste, sourit devant une étoile filante qui passe, la première de tout l’été. C’est un samedi soir comme les autres, la brise se fait plus fraîche, la lune se voile d’un halo plus sombre ;il ramène l’engin noir au niveau de sa tempe et appuie sur la détente.

16 ripostes trèès percutantes:

Anonyme 5 août 2007 à 01:59  

sbe7 el 5ir ya toufla
ti hak machrou3 mte3 ketba wou na7na ma fibelnech un très beau passage bien ecrit chwaya dramatique mais si non 5fif et adorable ma 3awidtnech bistil hetha brabi it7ifna de temp en tempb un truc semblabl

Transit World 5 août 2007 à 02:08  

tu ne dors pas toi non plus eh beh!!!!!bien venu au club camarados

Selim 5 août 2007 à 02:26  

Mariouma, félicitations pour ce beau texte. Ta description de Paris la nuit est très fidèle à la réalité. Pourquoi tu ne cites pas le nom des rues ?

M.o.u.l.i.n 5 août 2007 à 03:15  

J'aime beaucoup ton style (quand tu veux écrire) et l'histoire qu'il sert.

Et tu ne t'es pas empêchée de le buter :-) Le jour de son anniversaire en plus!

Anonyme 5 août 2007 à 12:18  

ya3tik essa7a
ce texte est tres bien goupille!
il est reussi ,pour 3 raisons:
1- la description de l'atmosphere generale est ici au service de la narration.
2-le personnage st construit par petites touches.au detour d'une phrase, d'un paragraphe un element le concernant est ajoute.
3-c'est comme au cinema: un crecendo dramatique puis la chute.

ce que je n'ai pas aime:pourquoi
l'as-tu zigouille?

Anonyme 5 août 2007 à 14:44  

C'est comme si tu parlais de moi mariouma, sauf que c'était à Toulouse et pas à Paris. Mais vraiment à 100%!!!!!!!!

Anonyme 5 août 2007 à 15:46  

@قصة اون لاين
موافقك تماما ياقصة
النهاية حالكة جدّا

Anonyme 5 août 2007 à 19:36  

ahla
ya benti echbik? echnoua elli sar?
wassa3 bélék
tu vas pas finir comme le gars de ton récit
aspirina et moi, on vut bien voter pour tes posts, on aime bien mais la c'est quoi ces conneries?
t'as oublié de prendre tes médocs? :)
qu'est ce que t'as
tu veux qu'on te call pitétr?
on attend un truc plus gai yahdik sinn on arrête les votes je te le dis et je passe le mot à Karim et aux autres.
tu vas bien au moins?
donne de tes nouvelles

psynaj 5 août 2007 à 20:31  

le sommet du désespoir, on sent la tristesse, mais comme dans la réalité, elle est masquée, et le pire finit par arriver!

Mariouma 5 août 2007 à 21:29  

@zicco
ahla sarr enti séhra elbéréh? comment a t'on pu se rater?
merci mais je crois qu'il n'y aura pas de suite ça a deja été assez pénible d'écrire celui la ;)
merci quand même

@transitworld
ahla bik
alors les gauffres t'ont suffit? ;)
courage

@selim
merci c'est gentil
je ne voyais pas l'interet de citer les noms, ce n'etait pas ça le plus important fallait juste planter un décor

@moulin
merci et marhba bik

@kissa online
coucou toi
venant de toi ça me touche
je l'ai zigouillé parce que je le voulais ;)
j'aimais pas trop le personnage faible et incapable de s'en sortir
il a bien fait de dégager ;))
ti winek?
wallit etaffi? béhi

@anonyme
j'espere que tu n'en arriveras pas la toi :)
ça va mieux depuis?
tiens moi au courant :)ou marhba bik fil hanout

@mourad
tu trouves toi aussi que je n'aurais pas du le faire mourir? ;)
qu'aurais tu aimé qu'il lui arrive à la place??
des suggéstions?

@khanfoussa et aspirina
je suis contente de vous retrouver
merci merci pour vos votes je vois ça tous les jours
dites un grand merci à toute l'équipe de soutien et au fan club ;)
je vais très bien and i am alive!!!!
ma sar chai
c'est juste un récit, de la fiction
il n'y a pas de quoi en faire un plat:)
je reve de devenir le prochain pulitzer walla le prochain boudourou si ça continue :)
vas pour le truc gai
ça viendra
biz à tous et à très bientot
vous me manquez :=(

@psynaj
le pire ce n'est pas la mort du personnage à mon avis
c'est son incapacité à aller vers les autres et leur dire son mal
le manque de communication symbolisée par toute cette foule dans laquelle il se trouve sans pour autant aller mieux est à mes yeux ce qu'il ya de plus horrible :)
merci d'être passé

Anonyme 6 août 2007 à 09:47  

il fallait citer les noms des rues pour etre plus réaliste :D

Elli yasma3 y9oul critique litiraire wellit :D

Ema le maw bech na3rfou wine toskon ... femmechi me njiou nokhtbou :D

Mariouma 6 août 2007 à 12:27  

@majhoul
t'es pressé de te marier toi? ;)
on te m'et la pression à tunis?
je n'ai rien contre le principe
mahrba bik fi kol wa9t

Anonyme 6 août 2007 à 12:49  

lol mouch 7keyet pression ...

eyh be9i femma mochkla ... me 3andich le nom des rues pour venir :p

Roumi 6 août 2007 à 22:11  

C'est un texte très impressionnant... bien écrit... certains détails parisiens sont très parlants, très réalistes... J'avoue que j'étais parfois profondément troublé, comme si je me reconnaissais dans certaines situations vécues par ce personnage.
La fin est terrible... il est vrai que pour certains les choses finissent ainsi... mais la plupart des humains conservent en eux, même dans les pires situations une petite lueur d'espoir qui les maintient en vie.

Mariouma 6 août 2007 à 22:23  

@roumi
tu ne peux savoir à qeul point cela me fait plaisir que tu aies lu ce texte
tu as sans doute raison la fin est quelque peu dramatique mais je ne savais plus quoi faire de mon personnage alors je l'ai maassacré
la mort est peut être certaines fois une manière de mieux renaître :)
heureusement que l'espoir nous maintient en vie comme tu dis et nous empêche de commettre l'irréparable
c'est peut être aussi l'instinct de survie qui nous empeche de basculer :)
merci d'être passé

Tourouch 10 août 2007 à 22:47  

Je viens seulement, de lire ton texte, et je t'avoue que je suis plutôt agréablement surprise. J'ai très peur d'habitude, quand quelqu'un me demande mon avis sur une production littéraire: souvent on a du mal à dire quelque chose de précis car un texte peut simplement nous laisser indifférents! C'est loin d'être le cas avec le tien. J'aime la manière dont tu fais monter l'intensité dramatique, mais je partage le point de vue de certains internautes sur la fin que tu réserves à ton personnage: pourquoi le faire mourir? c'est une fin trop classique, trop attendue...
Tu me diras comment j'imaginerais cette fin, alors? hé bien par exemple: "il prend l'arme, il caresse la fausse douceur métallique, appuie sur la détente. Le coup partit. On entend le bruit sourd d'un chargeur sans balle. (ou autre variante: il entend un clic: ce ne sera pas pour cette fois, histoire de le faire jouer à la roulette russe... comme tout le monde quoi...

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